Bande de jeunes

Périsphère, un nouveau centre de jour, ouvre ses portes aux jeunes à Louvain-la-Neuve.

Dominique Maes, l’un des animateurs du centre, nous fait part de ses impressions.

 

Des talents insoupçonnés

 

Une démarche artistique ne prend de sens que lorsqu’elle devient une aventure, périlleuse, sans cesse remise en cause, ludique jusqu’à frôler le danger. Le Président Directeur Généreux que je suis désormais à force de l’imaginer, aime particulièrement les expériences nées de rencontres parfois incongrues et d’affinités sélectives. 

Lorsque les thérapeutes joyeuses et vivifiantes qui ont eu l’indispensable volonté de créer Périsphère m’ont proposé d’animer, comme d’autres artistes, un atelier poétique de création de produits imaginaires (ma spécialité), j’ai débouché ma Bouteille d’Enthousiasme. Je ne m’attendais pour-tant pas à de telles rencontres.

Car il faut le proclamer ici et dans le réel : ils sont épatants, ces jeunes, et considérablement émouvants. Bien sûr, ils ont boité dans les démarches scolaires, s’ennuyant à mourir dans des programmes scolaires desséchés. Ils ont laissé s’épanouir des fragilités nées des blessures de l’enfance ou construit une forteresse protectrice, à un tel point que certains ont fréquenté les structures carcérales que notre société administrée par la logique de l’utile et du rentable, impose à ceux qui n’y trouvent pas leur place. Mais c’est qu’ils rêvent bien plus haut et bien plus beau, ces humains-là ! Et ils sont boulimiques de culture, de savoir faire, de poésie, d’imaginaire, de tous ces outils fondateurs que par maladresse, fatigue ou désintérêt, on ne transmet pas.

Il a suffi que je leur présente un premier flacon vide mais plein de sens ainsi qu’une dose de ma sincérité parfois naïve, pour que tout commence. 

Et rien ne leur étant imposé, ils ont commencé à donner. 

Nous avons la chance, durant ces ateliers, de partager quelques ingrédients que la gestion quotidienne des activités humaines ne permet pas : du temps, de la patience, de la chaleur humaine, du dissolvant de perfection, de l’exigence qui fait naître le vrai plaisir et la liberté de laisser s’exprimer ce qui fut bâillonné. Alors la joie advient et ils osent ouvrir leur culture et leurs projets. 

L’une veut devenir tatoueuse et possède déjà des qualités incroyables de dessinatrice. L’autre rêve de maquillage, de peau et d’identité à inventer. Un autre, enfermé dans sa solitude, se saisit soudain d’un outil qui le fascine et dessine en riant le monstre tentaculaire qui l’obsède. Un autre encore a tellement d’idées et de connaissances qu’il remplit de notes fulgurantes un carnet de projets.

Ils communiquent avec une gentillesse et une attention pour chacun qui me laissent abasourdi.  Pas de compétition ici, 

ni de recherche de pouvoir. Ils ont l’art de la bienveillance. Peut-être parce que très simplement, un peu obstinément, ils osent être eux-mêmes. Ces ateliers durent un peu plus de deux heures. J’en sors chaque fois avec une énergie nouvelle, encore plus convaincu que tout est possible et qu’il faut le leur dire. Ils le savent sans doute déjà mais ils en ont encore peur. Et bien des dis-cours normatifs leur ont laminés l’enthousiasme. Ils doivent affronter les aliénations sociales. Je le fais aussi, mais j’ai l’expérience d’un presque vieux et ma pratique artistique me permet de jouer mon propre jeu. Elle me permet de me dé-brouiller face à l’absurdité profonde de la société, d’en distiller aussi les qualités. Pour eux, c’est difficile. Les normes les encerclent, les codes les étranglent. L’époque n’est guère propice à la création de chemins neufs pourtant si indispensables. Mais je leur fais confiance. Ils ne se trompent pas. Ils ont déjà la sagesse de choisir les folies qui leur conviennent. Ils fuient l’aliénation. Ils sont humains, vivants et préparent des miracles qu’eux seuls sont capables d’engendrer.
 
Dominique Maes
Président Directeur Généreux
de la Grande Droguerie Poétique

LA MANUFACTURE DE LA GRANDE DROGUERIE POÉTIQUE 

Créée et est animée par Dominique Maes, son Président Directeur Généreux.

D’expositions en performances itinérantes, sur scène ou dans la rue, les produits uniques imaginaires et indispensables aux humains ne se vendent pas mais sont présentés au public pour faire naître pensées réjouissantes et débats poétiques.

La Révolution Douce est en marche.

www.grandedrogueriepoetique.net

Construire son projet de vie

Malgré la COVID, sans attendre les subsides et sans compter leurs heures, elles ont décidé d’ouvrir Périsphère en octobre dernier – un lieu d’expression, d’inscription et de répit où construire ou reprendre un projet de vie. Elles sont quatre : Hélène Coppens, psychologue et coordinatrice – Nathalie Crame, psychologue – Catherine de Villers, psychiatre – Valérie Loiseau, enseignante. Elles ont une pratique solide dans les champs de la santé mentale et de l’enseignement. Déjà avant la COVID, elles se heurtaient au manque de réponse pertinente au mal-être de jeunes en souffrance, en décrochage sévère. Elles en avaient pris conscience : la consultation chez un ou une psy ne convient pas toujours à des jeunes trop en souffrance pour pouvoir simplement le dire avec des mots. D’où leur volonté d’ouvrir une autre porte à ces jeunes : « Offrir une pratique artistique, dans un lieu d’accueil attentif à soutenir les inventions et les solutions du jeune, est le pivot de l’action de Périsphère, en articulation avec l’accompagnement d’un enseignant, afin de laisser la porte ouverte vers le savoir et la formation pour celles et ceux qui le désirent »

« On a besoin de structures comme la vôtre… »  dit Olivier Gourmet dans la vidéo visible sur le site de Périsphère, « parce qu’accompagner un jeune en souffrance, un jeune dans une errance, un décrochage sévère… Accompagner ces jeunes, c’est tout simplement leur donner une chance, d’être, d’exister, d’être autonome, de ne plus être à la charge de la société. Donc c’est déjà énorme. J’y suis d’autant plus sensible que vous le faites par le biais de l’art qui est un vecteur formidable pour travailler avec des jeunes. Sous toutes ses formes diverses, l’art permet, d’aborder les problèmes de société de manière ludique et non pas dogmatique, professorale, d’une manière un peu détournée. L’art permet de vivre en groupe, de s’épanouir, d’être, de prendre confiance en soi et de sa singularité. Parfois on n’accepte pas sa singularité – et c’est probablement pour ça qu’il y a des gens qui décrochent et qui sont en errance. C’est difficile mentalement de s’accepter, de s’aimer. De finir par accepter sa singularité, ça devient un talent, une richesse. La personne s’accepte. »

Anne Quévit

Membre du conseil d’administration de l’AH